Nicolas Schmit au sujet de la lutte contre le chômage

Le Jeudi: Lutte contre le chômage, promotion de l'emploi, comment les différencier dans votre action politique?

Nicolas Schmit: Pour lutter efficacement contre le chômage, nous avons besoin d'un environnement économique qui crée des emplois, c'est une évidence. Mais nous sommes dans une situation très particulière puisque le pays affiche une création nette d'emplois. Ceci étant, cette tendance est à la baisse. En octobre, nous sommes passés en dessous de 2%. Un chiffre relativement mauvais parce que notre marché du travail n'arrive pas à absorber les résidents et frontaliers, et cela a un impact sur le chômage.

Le Jeudi: Quel est votre rôle pour assurer cette absorption?

Nicolas Schmit: Le rôle du ministre, c'est de s'assurer d'un bon environnement et de bonnes conditions qui règlent le fonctionnement du marché du travail. Quand des emplois sont créés, il faut que ceux qui n'en ont pas puissent y accéder.

Le Jeudi: Et c'est là que le bât blesse...

Nicolas Schmit: Ce n'est pas toujours évident, parce que les emplois créés ne correspondent pas forcément au profil de ceux qui cherchent du travail. C'est là notre plus grand problème: 50% des gens qui sont au chômage sont très faiblement ou pas du tout qualifiés. Il faut essayer de leur fournir une formation optimale, améliorer les chances des pius faibles, les préparer pour qu'ils s'intègrent mieux dans le marché du travail. D'où la nécessité de réformer l'Adem. C'est cela, le rôle du ministre du Travail, il place les rails sur le marché du travail mais, pour que les trains circulent correctement, il faut évidemment que des emplois soient créés.

Le Jeudi: Quelle est votre marge de manoeuvre en la matière?

Nicolas Schmit: Elle n'est pas énorme. Mais je ne crois pas, comme certains, qu'il faille libéraliser le marché du travail pour que tout le monde ait un job. Nous ne voulons pas seulement que les gens aient un boulot, il faut aussi leur permettre de vivre dignement. Il n'est pas question de créer des travailleurs précaires. D'un côté, la tradition du contrat à durée indéterminée, qui domine encore, doit rester la base et ne doit pas être remplacée par la précarité. De l'autre, on ne peut pas ignorer que nous sommes dans un contexte économique qui a changé. Les entreprises fonctionnent différemment. Il faut leur donner un peu de souplesse dans la gestion.

Le Jeudi: "Flexibilité", "souplesse", de quoi parle-t-on exactement?

Nicolas Schmit: Encore une fois, le but ce n'est pas la précarité, le licenciement à tout-va, mais il faut donner plus de souplesse aux entreprises. Et c'est possible s'il y a une négociation entre partenaires sociaux. De cela dépend la dynamique de notre marché du travail et, in fine, de l'économie. S'il y a un besoin d'adapter la législation, nous le ferons sans problème. C'est différent d'entreprise à entreprise: organisation du temps de travail, temps partiel voulu... Il faut que les partenaires sociaux eux-mêmes, sans l'Etat, dans le cadre d'entreprises ou de secteurs, négocient ces formes nouvelles. On voit là l'importance du dialogue social, d'où le projet de loi y afférent qui est dans les tuyaux.

Le Jeudi: En Europe, le chômage des jeunes est tel que l'on parle de "génération perdue". Qu'en est-il au Luxembourg?

Nicolas Schmit: C'est un scandale que nous soyons arrivés au point où la moitié d'une génération est au chômage, dont des jeunes bien formés. Grèce, Portugal, Espagne, Irlande, Italie: la situation est dramatique. Au Luxembourg, la problématique n est pas la même, mais il faut éviter qu'une série de jeunes glissent vers le chômage de longue durée. Le risque pour eux, c'est de perdre le contact avec le marché du travail, et tomber dans la précarité. D'où la "garantie jeunes". Avec elle, nous devrons obligatoirement prendre le jeune en charge dans les quatre mois. En lui proposant un job, un stage... Quelle que soit la mesure appliquée, il doit se passer quelque chose, le jeune ne doit pas être oublié.

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