Discours de Nicolas Schmit à la 103e Conférence internationale du Travail à Genève

"L’emploi décent doit être remis au cœur de nos politiques"

©Organisation internationale du Travail
Le ministre Nicolas Schmit a apport� son appui à la campagne "Carton rouge au travail des enfants"

Monsieur le Président,

Monsieur le Directeur général,

Excellences,

Chers délégués,

La 103ème Conférence internationale du Travail est placée sous le thème « Construire l’avenir avec le travail décent ». Le choix est d’autant plus justifié que le nombre de chômeurs dans le monde se trouve à un niveau exceptionnellement élevé et que la nature du travail et la qualité des emplois connaissent une transformation profonde. Trop souvent le travail - et donc ceux qui l’accomplissent - sont considérés seulement comme un facteur de coût. Les gains de productivité ne sont plus équitablement partagés. Les revenus financiers et les bonus explosent et les salaires stagnent, voire se dégradent, comme l’a récemment relevé l’OCDE. Les conditions de travail souvent se détériorent. La sécurité au travail est négligée comme l’illustre l’accident dramatique et très meurtrier dans une mine en Turquie.

Les conséquences sociales de cette évolution sont néfastes. Mais l’impact sur nos économies est également extrêmement négatif. Le FMI constate depuis peu que l’accentuation des inégalités freine le développement économique entrainant une croissance anémique. L’OIT est la mieux placée pour promouvoir le travail décent qui doit être un élément central d’un avenir économique et social plus stable et plus juste.

Il nous faut revenir à l’esprit de Philadelphie dont les principes fondamentaux n’ont rien perdu, soixante-dix ans après leur adoption, de leur actualité. « La dignité de tous les humains » est loin d’être garantie, notamment dans le monde du travail. Dans cet esprit, nous soutenons tous les efforts pour lutter plus efficacement contre toutes les formes de travail forcé dont sont victimes surtout les femmes et les enfants. Il est urgent d’adapter la Convention y relative et nous espérons que la Conférence entérinera l’accord trouvé sur cette question.

De même faut-il réduire le champ de l’économie informelle parfois présentée comme un puissant gisement d’emplois. Ce qu’on ne dit pas c’est que l’économie informelle crée des travailleurs pauvres, vulnérables, dépourvus de droits à la sécurité et la protection sociale. Ils vivent dans une précarité permanente à l’opposé de ce qu’est le travail décent. Ces emplois très répandus dans les pays en développement se multiplient aussi dans les sociétés industrielles, notamment du fait de la crise. La cohésion sociale en pâtit. Une génération toute entière ne connaît comme seul horizon que la précarité et la marginalisation dans la pauvreté.

Je plaide en revanche pour un développement plus actif de l’économie sociale et solidaire productrice de nouveaux biens et services, ainsi qu’en faveur de la création de PME innovatrices et créatrices d’emplois, à travers la promotion de l’esprit d’entreprise, notamment parmi les jeunes.

L’emploi décent doit être remis au cœur de nos politiques. Il y a quinze millions de nouveaux chômeurs depuis 2007 dans les économies dites avancées. Des millions de ménages restent sans aucun revenu. Près de 6 millions de jeunes dans l’U.E. sont sans emploi. Nous devons renforcer cette discussion sur l’objectif stratégique de l’emploi, car les enjeux politiques sont également pernicieux pour nos systèmes démocratiques. La garantie pour la jeunesse promue par l’Union européenne doit être mise en œuvre et bénéficier de plus de ressources. Le Directeur général a eu raison d’y voir une mesure concrète pour connecter les jeunes avec le marché du travail et la société. La formation et l’éducation ne doivent pas subir les coupes budgétaires imposées par les politiques d’austérité. Les investissements sociaux ne doivent pas être considérés comme de simples dépenses, mais comme un élément essentiel un investissement pour promouvoir une croissance équilibrée et la justice sociale.

Je voudrais féliciter le Directeur général d’avoir mis en avant le rôle de l’OIT dans le sujet délicat des migrations. Les migrants, victimes de la pauvreté et de l’absence de perspectives dans leur pays d’origine, deviennent souvent des travailleurs particulièrement vulnérables. La communauté internationale doit s’engager plus activement en faveur de politiques migratoires respectueuses des droits de l’homme en s’attaquant aux causes des flux migratoires.

Travail décent, droits sociaux, lutte contre la pauvreté doivent être les axes du programme de développement des Nations Unies pour l’après-2015.

Le Directeur général Guy Ryder a tout notre appui et notre confiance pour faire contribuer une OIT efficace et disposant d’une forte légitimité à la réussite de ce programme qui doit rendre la globalisation plus juste.

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