Nicolas Schmit, Discours à l'occasion de la 101e session de la Conférence internationale du travail, Genève

Seul le discours prononcé fait foi

Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur général,
Excellences,
Chers Représentants,

Cette Conférence internationale du Travail a lieu à un moment particulier. La crise frappe l’Europe et plonge l’économie mondiale dans l’incertitude. Le chômage y est en hausse et ce sont avant tout les jeunes qui en souffrent. Je ne peux donc qu’exprimer toute ma satisfaction que l’emploi des jeunes figure comme un des points prioritaires à l’ordre du jour de notre conférence.

Cela me fournit l’occasion de remercier le Directeur général Juan Somavia pour l’action qu’il a menée à la tête de cette organisation dont vous avez renforcé le profil et la place dans les différentes enceintes internationales. Vous n’avez cessé de mettre en évidence la valeur du travail, le concept du travail décent et l’importance des politiques sociales comme réponse à la crise que nous traversons. Votre engagement en faveur de ces 75 millions de jeunes sans emploi, sans perspective, souvent sans espoir, ayant le sentiment qu’ils ont été oubliés par nos sociétés, force toute notre admiration.

En tant que Ministre du travail d’un pays de l’Union européenne, je plaide avec d’autres pour que dans l’Union européenne l’emploi des jeunes devienne une vraie priorité, que chaque jeune sans emploi obtienne une garantie de se voir proposer dans les quatre mois un emploi, une formation ou l’accès à un programme de qualification. Cette "Garantie Jeunes" que certains pays européens ont introduite avec succès doit être généralisée dans l’Union européenne et bien au-delà. Aucun responsable politique, aucun chef d’entreprise ne peut rester insensible à l’idée d’une génération perdue. Ce serait accepter que des vies soient brisées, des talents gâchés. Et pourtant, nous avons besoin de ce capital humain pour assurer le développement de nos économies. La majorité des jeunes au chômage sont peu qualifiés. L’éducation, la formation et l’apprentissage doivent être promus et bénéficier de fonds supplémentaires.

Il se trouve également que la précarité est devenue le lot d’un nombre croissant de jeunes qui aspirent à un emploi stable afin de construire leur vie. Trop souvent les politiques de réforme structurelle entrainent encore davantage de précarité. Elles ne répondent pas aux aspirations d’une jeunesse qui exprime son désarroi et réclame plus de justice, comme cela a été aussi le cas lors de la récente conférence organisée par l’OIT.

Je partage entièrement ce que le Directeur général dit lors de l’ouverture de cette conférence – qu’il ne peut être question pour la politique de vouloir inspirer confiance aux seuls marchés financiers tout en perdant la confiance des citoyens et tout particulièrement des jeunes. Les politiques d’austérité ne sortiront pas l’Europe de la crise financière qui s’est transformée dans les pays les plus affectés en vraie crise sociale. Elles risquent de plonger tout un continent dans une récession, voire une dépression qui mène des millions d’hommes et de femmes au désespoir avec des conséquences politiques dangereuses. Il aurait été nécessaire de prendre en compte pleinement les conséquences sociales et l’impact désastreux sur l’activité économique et l’emploi des politiques de consolidation trop brutales. Les calendriers d’assainissement imposés aux pays ne l’ont pas fait. Il est donc urgent de changer de cap tout en réduisant le poids de la dette. Il faut davantage de solidarité, notamment pour la création d’euro-obligations, ainsi que des politiques encourageant l’investissement et soutenant ainsi la croissance et la création d’emploi. L’innovation écologique peut, à cet égard, être un gisement d’emplois nouveaux.

Dans ce contexte de crise, il est important que cette Conférence adopte la recommandation en matière de socle de protection sociale. Le Luxembourg est honoré de pouvoir exercer de nouveau en la personne de l’Ambassadeur Feyder, la présidence de cette Commission. Cette recommandation a une signification politique éminente. Il n’est pas acceptable que jusqu’à 10 millions d’enfants meurent chaque année dans les pays en développement parce qu’ils n’ont pas accès à des soins de santé. Il est de même inacceptable de voir dans des pays développés, surtout ceux confrontés à la crise de la dette, les droits sociaux dont bénéficient les catégories sociales les plus vulnérables, être remis en cause.

Je voudrais également féliciter le nouveau Directeur général pour son élection. Nous avons besoin de votre expérience, de votre engagement et de votre connaissance profonde du monde du travail. Il vous appartient de mettre en place un système assurant une meilleure mise en œuvre des nombreuses conventions trop souvent restées lettre morte. Nous vous faisons confiance pour poursuivre le rôle actif que l’OIT doit jouer dans la gouvernance mondiale pour défendre les valeurs sociales et la justice. Nous sommes convaincus que vous continuerez à promouvoir le dialogue social qui est un des biens les plus chers de notre organisation qu’il s’agit de propager, car il est essentiel au bon fonctionnement de nos économies mais aussi de nos démocraties.

Finalement je me réjouis tout particulièrement de la présence à cette conférence de Madame Aung San Suu KYI. L’OIT, depuis longtemps, s’est engagée pour la démocratie au Myanmar. Un pas important a été franchi en ce sens. Notre organisation doit rester à la pointe du combat pour les libertés démocratiques et les droits sociaux.

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