Interview de Dan Kersch avec CONNECT by CLC

"Tout au long de la crise actuelle, le gouvernement a réagi et adapté les aides octroyées aux entreprises"

Interview: CONNECT by CLC (Mathieu Rosan)

CONNECT by CLC: L'allocation du chômage partiel a été, et reste fondamentale pour les entreprises. Quels sont les secteurs qui demandent en majorité cette aide?

Dan Kersch: Le chômage partiel était effectivement un élément clé afin d'éviter de limiter les licenciements pendant la crise. Force est de constater qu'à part le secteur des banques et assurances, quasiment la totalité des secteurs demandent cette aide qui est toujours essentiel pour garantir la survie des entreprises. Le comité de conjoncture évalue constamment les demandes des entreprises et il évalue également quels secteurs devraient avoir droit aux indemnités de chômage partiel.

CONNECT by CLC: Pendant combien de temps encore les entreprises pourront continuer à demander cette aide et à quelles conditions?

Dan Kersch: Tenant compte de la situation exceptionnelle pour beaucoup d'entreprises, le gouvernement a pris la décision de prolonger les modalités actuelles du chômage partiel jusqu'au 30 juin 2021. Ceci permettra aux entreprises de continuer à payer les salaires de leurs employés malgré la situation difficile.

CONNECT by CLC: On imagine que le secteur de l'évènementiel, les centres de formations ou encore les agences de voyages pourront bénéficier d'une attention spécifique...

Dan Kersch: Tout au long de la crise actuelle, le gouvernement a réagi et adapté les aides octroyées aux entreprises. Ainsi, le ministère des Classes moyennes a récemment présenté un projet de loi qui va introduire une nouvelle aide pour les secteurs dont les activités sont gravement impactées par la pandémie. Cette nouvelle aide s'adresse notamment aussi au secteur de l'événementiel qui se trouve évidemment parmi les secteurs les plus touchés par la crise.

CONNECT by CLC: Les entreprises avancent les salaires pendant plusieurs mois avant d'obtenir un remboursement. Cela peut être problématique pour certaines entreprises. Une accélération de cette procédure est-elle envisagée?

Dan Kersch: Je suis bien conscient que les procédures sont parfois lourdes et complexes. Mais je pense également que l'État doit bien veiller à ce que les procédures soient respectées. Depuis le mois de juillet, l'État ne verse plus d'avances aux entreprises. Les versements se font exclusivement sur base de décomptes. Il avait été retenu que les entreprises doivent d'abord rembourser les indemnités trop perçues dans le régime du chômage partiel cas de force majeure. Dans une optique de simplification administrative et afin de raccourcir les délais de paiement, le MTEESS a introduit un mécanisme de compensation des soldes négatifs résultant des décomptes des mois de mars à juin 2020 avec les subventions de chômage partiel dues pour les mois de juillet à décembre 2020. Ce mécanisme de compensation a été mis en place en mi-octobre 2020. Ce mécanisme permettra donc de verser les indemnités de chômage partiel dans des délais plus courts.

CONNECT by CLC: L'ADEM refuse de payer le chômage partiel pour un salarié en préavis (que ce soit en cas de licenciement ou de démission). Cela peut imposer aux entreprises de mettre au chômage partiel un autre salarié et ainsi aggraver les difficultés d'une entreprise. Alors que le chômage partiel a pour but de maintenir l'emploi, que pensez-vous de cette rigidité qui peut entraîner des licenciements qui auraient pu être évités?

Dan Kersch: Pour moi, la philosophie du chômage partiel est clairement de garantir le maintien dans l'emploi des salariés. Voilà pourquoi le Code du travail prévoit très précisément que les indemnités de chômage partiel ne sont pas dues pour les salariés en préavis dont le licenciement a déjà été décidé. Je n'envisage donc pas de modifier ce principe tel qu'il est actuellement aussi appliqué par I'ADEM.

CONNECT by CLC: Quelle vision avez-vous de l'évolution de la courbe du chômage dans les mois à venir?

Dan Kersch: S'il est vrai que la situation actuelle a déjà maintenant des répercussions sur la situation sur le marché de l'emploi, je pense que les différents instruments et mesures qui ont été mis en place, vont nous permettre de gérer cette évolution plutôt inquiétante de la courbe du chômage.

CONNECT by CLC: Quelles mesures avez-vous déjà prévues afin de limiter l'augmentation de cette courbe justement?

Dan Kersch: Nous regardons en permanence l'évolution des différents paramètres qui nous concernent pour être capables d'ajuster assez rapidement notre organisation. Nous lançons d'ores et déjà des actions pour répondre à des besoins que nous connaissons, comme l'acquisition de compétences transversales. Le nombre de demandeurs d'emploi résidents disponibles inscrits à I'ADEM s'établit à 17 875 au 30 septembre 2020. Par rapport au mois d'août 2020, cela constitue une baisse de 650 personnes (-3.5%) et par rapport à avril 2020 de 2 378 personnes (-11.7%). Des mesures d'adaptation ont déjà été apportées en réponse à la crise, avec l'ouverture des stages de professionnalisation pour les personnes de moins de 30 ans, l'ouverture du contrat de réinsertion emploi à partir de 30 ans, l'ouverture temporaire à partir de 30 ans de l'aide à l'embauche aux chômeurs âgés, une prime unique pour la promotion de l'apprentissage et l'initiative "FutureSkills" qui va permettre de définir un nouveau parcours pour les demandeurs d'emploi en leur offrant notamment des formations.

CONNECT by CLC: Les entreprises pourront-elles compter sur différentes actions de l'ADEM afin de les soutenir dans leur politique d'embauche ou de formation?

Dan Kersch: Les mesures d'adaptation que nous venons d'évoquer en font parties. Ce sont des actions qui ont été entreprises rapidement afin de soutenir les entreprises. Les entreprises peuvent compter sur I'ADEM pour continuer à leur offrir des services personnalisés et les aider dans leurs démarches afin qu'elles puissent recruter des candidats correspondant à leurs besoins. Dans cet ordre d'idées, j'ai encouragé un nouveau projet initié par I'ADEM qui vise à offrir des cours de langues sectoriels en langue française afin que les demandeurs d'emploi répondent mieux aux attentes du marché de travail.

CONNECT by CLC: Concernant les plans de maintien dans l'emploi sectoriels: certains secteurs en auront probablement besoin, quelle vision avez-vous de cet instrument?

Dan Kersch: Les plans de maintien dans l'emploi nous permettent de réagir face à des situations difficiles dans certains secteurs. Comme je l'ai déjà mentionné, il s'agit surtout de limiter les effets de la crise actuelle sur le marché de l'emploi. Les plans de maintien dans l'emploi peuvent alors être un instrument parmi d'autres. Le comité de conjoncture va rester vigilant et observer de près les développements dans les entreprises et, le cas échéant, exiger l'établissement de plans de maintien dans l'emploi.

CONNECT by CLC: La COVID a entraîné d'importantes modifications dans l'organisation des ressources humaines pour les entreprises (absence de salariés, malades à isoler, cas contacts...). Le droit du travail n'est pas adapté à ce type de problématiques et laisse peu de place à la flexibilité concernant le temps de travail. Quelle est votre vision par rapport à cette question? Le droit du travail va-t-il s'adapter dans les années à venir?

Dan Kersch: Le droit du travail est tout le temps en train d'évoluer. Nous vivons actuellement une période où le monde du travail se trouve en pleine mutation. Indépendamment de la crise de la COVID, il faut que nous réagissions par rapport à ces développements dont notamment la digitalisation. Le droit du travail va donc s'adapter.

CONNECT by CLC: Un accord a été trouvé entre les partenaires sociaux sur le télétravail: êtes-vous satisfait de ce dernier?

Dan Kersch: Si ce n'est pas mon rôle de juger un tel accord, je suis néanmoins satisfait qu'un accord a pu être trouvé. La crise actuelle nous a clairement montré que l'ancienne convention sur le télétravail manquait de précision et ne tenait pas compte des réalités auxquelles on se voyait confrontés pendant la crise.

CONNECT by CLC: Quelles sont vos craintes et vos espoirs sur ce mode de travail qui, par la force des choses, se démocratise de plus en plus?

Dan Kersch: D'un côté, je vois comme tout le monde les aspects positifs liés au télétravail. Mais je pense également qu'il ne faut pas négliger les points négatifs qui existent aussi. Si tous les salariés travaillent à la maison, on risque un isolement complet des salariés. Or, je pense que le travail en équipe et le contact personnel sont des aspects très importants. Il s'agit donc de trouver le bon équilibre entre le télétravail et la présence au bureau. Il ne faut pas oublier que pour beaucoup de métiers, le télétravail va toujours rester une illusion. Il faut donc veiller à ce qu'on ne crée pas deux classes de salariés.

CONNECT by CLC: S'il a de nombreux aspects positifs, il entraine malheureusement une baisse de la fréquentation pour un certain nombre de commerces. Comment faire pour limiter cet impact sur ces derniers et ainsi sauver un nombre non négligeable d'emplois?

Dan Kersch: C'est certainement un des aspects négatifs qu'il ne faut pas ignorer. Voilà pourquoi j'opterai plutôt pour le bon équilibre entre télétravail et travail sur place. Cette présence sur le lieu de travail va automatiquement entrainer une présence renforcée des clients dans les commerces tout en respectant les dispositions sanitaires en vigueur.

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